Aurevoir Pedro

Les psychotrots vous souhaitent bien le bonjour en direct du Barrio de Santa Terezinha à Alagoinhas. Ici la température grimpe, l’été a pointé le bout de son nez (on ne fait pas un peu rêver en disant ça ? haha).

Nous avons encore plein d’aventures à vous raconter. Ils s’en passent des choses par chez nous. Oui nous disons chez nous ! Nous avons clairement pris possession des lieux. Si bien que quand un « troupeau » de jeunes aux hormones en ébullition arrivent en pleine nuit (et oui à 23h30 nous on dort à point fermé) vendredi dernier et nous extirpent de nos sommeils précieux, nous vacillons ! Mais que se passe-t-il derrière la porte de la chambre Belém, ça rigole, ça cri, on a même songé à une réunion de comité devant la porte des mamies que nous sommes ! Haaa il faut bien que jeunesse se passe. Mais sur le coup, n’étant pas au courant du débarquement avant qu’il ne se produise, j’avoue que nous avons été un peu surprises. Ils étaient tout de même 100… Comme j’ai dit aux filles très justement ça fait quand même 200 yeux qui nous regardent! Car si eux nous ont un soupçon surpris nous les avons de notre côté un peu intrigués. Quand nous avons demandé ce qui était prévu ce week-end avec ces jeunes, le Frère Bruno nous a expliqué qu’il y avait une rencontre. Il était hyper content de leur venu. Nous, on a montré patte blanche et on s’est fait toute petite jusqu’à ce qu’ils repartent.

Et puis, nous avions quand même d’autres choses en tête ce week-end. En effet, notre cher Pedro, Pedrolito pour les intimes, est rentré en Pologne dimanche. Il fallait donc fêter son départ dignement. Je crois qu’il est assez satisfait de l’aurevoir brésilien. Le matin à la Brincadeira, Ricardo a rappelé à tous que c’était le dernier jour de Pedro ici. Celui-ci a été invité à faire un petit discours. Un peu gêné mais toujours avec le sourire, il a remercié tous les enfants, intervenants et maman de la Brincadeira pour leur joie de vivre, leur accueil et leur a dit qu’il avait beaucoup appris ici et grâce à eux. (Il a du refaire le même discours, l’après-midi et le soir. Mais c’était toujours aussi émouvant). Pour le remercier Dona Sonia, la maman de la Brincadeira, lui offre au nom de tous un superbe tee-shirt (très mignon pour de vrai) très coloré… En même temps on est à Bahia !! L’après-midi les enfants lui font une standing ovation alors qu’on déplie sa banderole « BOM VIAGEM Pedro/Piotr » signée par tous. Il à l’air ému notre Pedro, même si on ne sait jamais vraiment ce qu’il pense. Juste avant les enfants lui avaient fait une petite démo de capoera et l’avaient invité à danser… Grand moment de spectacle. La battle entre Gerciliano et Pedro on s’en souviendra.

Après la brincadeira nous mangeons tous ensemble. Mais vous me direz « que signifie tous ensemble ? »Tous ensemble = Ricardo, Cristina, Dona Sonia, Negua, Angela, Frère Christophe, Frère Bruno, Frère Pascal, Geliane, la jeune et jolie secrétaire, nous 3 et bien sûr Pedrolito. Pour l’occasion, qu’est ce qu’ont préparé les psychotrots ? Des crêpes bien sûr ! Elles nous suivent même au bout du monde. Et puis on s’est donné : crêpes sucrées ET salées au programme ! (pour les crêpes salées elles ont été faite un peu en catastrophe, on vous l’accorde. Il y a eu un petit souci de compréhension et nous ne savions pas qu’en fait nos crêpes étaient le seul met pour le repas. Mais comme les psychotrots retombent toujours sur leurs pattes et que nous sommes bien entourées, on a finalement bien mangé.)

Alors que nous pensions que la soirée se terminait là nous sommes rapidement retournées dans nos appartements, se fofilant entre les adolescents faisant la fiesta ! Nous étions même en pyjama, quand Pedro ressurgit dans notre chambre et nous dit que nous sommes conviées à une petite fête surprise pour lui (encore ! une vraie star !) organisée par Mariana, la jeune femme qui s’occupe de la Bibliothèque de l’école. Nous nous sommes retrouvées dans une salle minuscule juste en face de notre salle de psychomot. Nous étions une dizaine dans 5/7m²… cosy ! Il y avait des filles et des garçons entre 12 et 30 ans, que Pedro avait rencontrés lors des Oraçaes (petites messe en français) et lors des groupes de paroles organisés le dimanche. Ce fut un grand moment qui sera marqué dans nos mémoires ! Entre chorégraphies loufoques, discours de Pedro (again !) filmait en mode reportage, jeu du téléphone sans fil interlinguistique (le portugais mélangé au français et soupoudré de Polonais, ça donne une langue aux sonorités très contemporaines !!) et une prière pour finir, ce fut un moment intense et unique en son genre. Nous nous sommes tous serrés dans les bras avant de partir. Mariana a eu de belles intentions pour Pedro et lui a dit de jolies choses. On a senti que son départ la touchait car Pedro c’est typiquement un « être de bonheur » !

Nous aussi on avait envie de le remercier à notre façon, pour sa patience, son enthousiasme, sa bonne humeur. Trois françaises comme nous qui débarquent alors que jusque là, il était tranquilou bilou dans ses appartements ce n’est tout de même pas rien… ça vaut peut être pas un débarquement de 100 jeunes mais on en serait pas loin. On lui a donc fait une sorte de petite BD avec des photos de nous 4 qu’on lui avait fait développer. Petite histoire, petits dessins, petite signature, on y a mis du cœur. On lui fait des clins d’œil sur les petites habitudes qu’on avait pris, parce qu’en 3 semaines de vie commune on prend forcément des habitudes. Pour vous donner un exemple, Pedro chantait toujours la musique de Star Wars quand on découvrait les plats servis à table. Pedro disait chawui au lieu de chave pour les clefs même si Débo lui a répété 10 fois que ce n’était pas le bon mot. Mais Pedro c’était aussi un rire extraordinaire, un gars muito tranquilo et surtout très gentil. Il nous a super bien accueillies, nous a fait visiter des endroits, nous a supportées critiquer la nourriture pendant trois semaines, a quand même testé tous nos jeux de psychomots et a été sacrément émerveillé. Bref un mec cool notre Pedro. On lui souhaite bonne route !

Niveau psychomot, les prises en charge continuent. Nous essayons de donner le meilleur de nous même. Ici il faut s’adapter aux emplois du temps qui changent, aux absences répétées de certains enfants, au caractère bien trempé d’autres, mais surtout à leurs angoisses dues la plupart du temps à leurs histoires de famille extrêmement compliquées.

Quand Gaëlle va chercher K. dans la classe Emaüs pour sa prise en charge, celui-ci prend d’abord peur… Il ne veut pas venir, il dit craindre qu’elle le batte. Elle le rassure lui disant qu’en psychomotricité on joue, on bouge, on rigole mais on ne bat pas. K. décide, après réflexion, de venir avec elle. Et il a bien fait. Ce fut une séance au top ! Ce moment aura marqué et touché Gaëlle. Elle a décidé d’aller chercher un peu plus d’infos sur sa situation familiale. Elle demande à Ricardo. Nous comprenons alors beaucoup mieux les angoisses de ce ptit bout. K. a une maman qui boit et qui dit que l’homme qui se revendique être le père de K. n’est en fait pas son père. Ce dernier dit bien évidemment le contraire. Pendant ce temps là, K. se perd. Mais qui est son père ? Où se trouve la vérité ? En plus de ça, le papa bat son fils. On voit des marques sur le corps de K. Et puis il ne va pas souvent à l’école ou quand il y est il s’enfuit parce qu’on lui a dit que l’école ne servait à rien. Il a finit par le croire et le revendique lui-même. K. c’est un enfant perdu entre une famille éclatée, des coups, et des mensonges. Un jour sa grande sœur a porté plainte contre le père violent. La justice s’en est donc mêlée. On est venu discuter avec le papa mais c’est apparemment la seule chose qui s’est produite.

Hélas Kikki n’est pas un cas unique ici. Le petit F. aussi n’a pas une vie facile. A 8 ans il vit déjà à moitié dans la rue. Sa maman se drogue beaucoup, et quand elle a finit de prendre sa dose, elle le bat. Sous sa casquette il a d’ailleurs plein de croutes. Lui aussi n’aime pas l’école et manque beaucoup. Son papa ? Il n’en a pas. Comme P. Ce dernier à un visage doux, il aurait presque une tête d’ange. Mais derrière cette belle façade se cache beaucoup de souffrance et de la violence. P. se bat beaucoup, n’est pas très attentif, et manque régulièrement l’école. P. a neuf sœurs et un frère sourd et sa maman est seule à s’occuper de tout ce petit monde. Elle travaille mais ne joint pas les deux bouts. Alors elle fait d’autres activités qui la mettent en danger. P. et ses petites sœurs voient-ils ce qui se passe ? comprennent-ils ? Ce qui est sûr c’est qu’ils sont impuissants face à tout ça.

Nous voyons les séances de psychomotricité pour ces enfants comme des bols d’air pur, des moments de détente, et surtout des moments pour apprendre à jouer, parce que ces enfants ne jouent pas beaucoup justement. Ils se battent, essayent d’être les plus forts, mais ne s’amusent que très rarement. Alors on leur propose un moment privilégié pour jouer ensemble et prendre « soin » d’eux. 40 minutes où ils sont le centre de notre attention, où on ne regarde qu’eux. Pour une fois…Nous essayons d'aborder les notions de juste et d'injuste, de leur donner des repères pour qu'ils arrivent à faire un peu plus la différence entre le bon et le mauvais et surtout de gagner leur confiance. Nous n’essayons pas de changer leur histoire juste d’apporter des notes, si infiniment petites qu’elles soient, un peu plus positives.

Déborah a aussi à cœur de vous raconter sa prise en charge avec C. Voici l’histoire :

Ce garçon de 9 ans est une boule de nerf. Il a emmagasiné en lui tellement de violence et d angoisses qu il en est bourré de tic. Il teste en permanence les autres, les provoquent voire les tape et a un besoin absolu de contrôler l’environnement. Bon je pense que le décès brutal de son père, tué par des traficants de drogue y est pour quelque chose. J avoue qu au premier abord, je me suis demandée comment j allais bien pouvoir travailler avec cet enfant de façon efficace ? Quelle médiation choisir ?Et surtout comment je pouvais travailler avec sa violence ? Car ce qui est difficile avec ces enfants, c est de pouvoir les aider à décharger leur violence et leur agressivité de façon constructive. Il faut qu’ils puissent projetter ce qu’il y a de mauvais en eux à l’extérieur. Et pour cela, j’ai rien trouvé de mieux que la peinture. Afin que cela rentre dans mes objectifs de prise en charge,j’ai fabriqué des bombes à eau mais remplie de peinture. Le but du jeu est de faire éclater ces bombes à eau sur une grande feuille blanche. Ainsi, l’enfant peut décharger sa violence et son agressivité mais de façon canalisée. Par la même occasion,il crée aussi quelque chose, ici une peinture. Bon j’avoue que les éclaboussûres de peinture n’atteignent pas que la feuille. En général, je suis aussi colorée que l’oeuvre qu’on est en train de créer. Mais bon c’est ça aussi la psychomot’ et j’avoue que je m’éclate plutôt bien. Donc comme vous l aurez compris, le but n’est pas seulement de se défouler mais il est de pouvoir créer quelque chose de positif avec le négatif qu on peut avoir en soi. Bon, j’avoue que pour ma première séance, j’étais loin d’être vaillante et j’étais pas sûre que cette activité aurait l’effet escompté. Mais en fait, Clemarlon s’en est plutôt bien saisi et je commence même à faire une collection de peinture dans la chambre.

Pour revenir à nos activités « extra-psychomot » ! Avec Gaëlle, nous sommes allées faire un tour au cours de langage des signes vendredi après-midi. Franche partie de rigolade ! C’est le beau Rainaldo qui gère le cours. Les élèves ? Ce sont les profs ! Il y avait le prof de danse, le et la prof de musique, Mariana (vous vous souvenez celle qui s’occupe de la bibli), la prof d’informatique, la prof d’art plastique, le surveillant hip-hopeur ! On s’est éclaté. Après présentation de tous et entre deux blagounettes on a appris quelques signes qui nous serviront pour deux de nos prises en charge. Et pour vous dire, on a même fait un contrôle ! Bon pour ma part j’étais en binome, mais la correction est au programme du cours de cette semaine! En tout cas super ambiance. Ici on apprend en mode détente !

Pour finir sur une note musicale ! Nous sommes allées faire un tour au cours de musique. Et nous avons fait la connaissance de Marcus. Marcus n’est pas un simple prof de musique. Il joue de la guitare, chante avec ses tripes mais fait aussi du Nunchaku. Et il fait tout ça sans voir le mouvement de ces mains, sans voir défiler ses doigts sur les différents instruments qu’il utilise. Marcus ne voit plus depuis quelques années. Mais la musique à l’air de le rendre heureux.

Infos de dernières minutes: Mama est aux anges! Elle organise un groupe avec la classe des sourds en collaboration avec leur professeures. Elle travaille sur les émotions. Et c'est apparemment pas mal du tout.

Voilou pour cette semaine, rendez vous en terre inconnue dans une semaine ! La bise à tous !

PS : Grosse pensée aux chatons qui se reconnaitront!